A l’origine est le symbole pourrait être le mantra de l’artiste Elmes. Sa démarche artistique focalise en fait sur une question essentielle : qu’est-ce que l’art ? De quelle énergie puise-t-il sa force ? A quel univers sensible est-il apparenté ? De quelle matrice la créativité nourrit-elle l’imaginaire expressif humain ? Les réponses à ces interrogations ne peuvent évidemment pas provenir d’une explication unique, les différentes sciences humaines offrent une panoplie de propositions : une des pistes qui a suscité l’intérêt d’Elmes est celle des figures géométriques de base qui empruntent aux formes multidimensionnelles existantes dans l’environnement : cercle, triangle, carré, etc.
Il faut cependant rappeler que l’intérêt d’Elmes pour les symboles s’est développé depuis l’enfance, s’imprégnant des signes ornementaux berbères omniprésents dans la poterie, les tissages notamment à Tazmalt dans les montagnes de Kabylie où il réside. Lui-même diplômé en céramique a pratiqué ces motifs géométriques dans ses propres créations, effleurant déjà les sens premiers d’un langage millénaire.
L’art plastique algérien a été traversé par cet intérêt aux signes décoratifs populaires traditionnels. Les promoteurs du mouvement artistique Aouchem (Tatouage) dès 1967 ont eu à cœur de revisiter « le signe magique né il y a des millénaires sur les parois d’une grotte du Tassili (…) ». Comme de nombreux artistes algériens, Elmes a été influencé par ce mouvement qui s’est inscrit contre l’orientalisme et contre le réalisme socialiste dans lesquels s’enfermait la peinture algérienne durant les premières années postindépendance. Le « signe magique » en question qui lui était familier grâce aux objets quotidiens encore en usage, il le placera à son tour dans la composition d’une fresque élaborée collectivement sous la houlette du grand peintre M’hamed Issiakhem, en participant au projet d’embellissement de la ville d’Alger en 1978. « C’était une expérience très intéressante sur les plans relationnel et professionnel ; Issiakhem acceptait nos propositions et les imposait auprès des autorités », raconte Elmes qui se souvient que cette époque était très favorable à l’art et à la culture. Période qu’il met à contribution pour acquérir et améliorer les différentes techniques artistiques, pour maîtriser la composition des couleurs et apprivoiser la matière du support.